Dimensions et construction
Longueur (nagasa) : ~ 69 cm
Courbure (sori) : 1.2 cm
Largeur à la pointe (sakihaba) : 20 mm
Largeur à la base (motohaba) : 32 mm
Soie (nakago) : Inaltérée (ubu)
Dos (mune) : 2 pans (iori-mune)
Pointe (kissaki) : Moyenne (chūgissaki)
Épaisseur (kasane) : 7 mm
Certificat d’authenticité
NBTHK Tokubetsu Hozon Tōken
« Œuvre à préserver particulièrement»
Description
Ce sublime katana signé par Suketaka, s’inscrit dans la longue tradition du Bizen-den durant la période shinshintō (1796-1876). La soie (nakago) révèle la signature « mei » complète de l’artiste du côté omote : « Bishū jū Suketaka kore o tsukuru (備州住祐高造之) – Ceci a été forgé par Suketaka, résident de la province de Bizen », et la date de fabrication de ce sabre côté ura : « Meiji sannen nigatsu hi (明治三年二月日) – Un jour du 2ème mois de la 3ème année de l’ère Meiji, soit un jour de février 1870 ».
La construction de cette lame est classique, en shinogi-zurkuri, iorimune et chūgissaki. Néanmoins, on peut observer également un style de gorges (hi) élaborées assez rare, elles se composent de bo-bi et tsure-bi finissant avec une gravure évoquant une empreinte de dragon (tsume) du coté omote, et bo-bi/soe-bi coté ura.
Le forgeage est typique de cette école au XIXe siècle, il dévoile un kitae caractéristique en ko-itame très serré, extrêmement fin et tendant vers un grain indiscernable (muji) à certains endroits.
La ligne de trempe (hamon) est en nioideki fin et lumineux, elle se structure autour d’un nioiguchi compact, commençant sa course en ligne droite (yakidashi), puis dessinant une trempe en chōji-midare caractéristique prenant une forme rappelant des poings serrés (kobushigata-chōji). Ce style de trempe nous démontre à quel point l’influence de certains forgerons d’Ōsaka, en particulier celle de la 2ème génération Kunisuke (période shintō) a été forte sur cette école. Enfin, ce hamon se poursuit au niveau de la pointe (bōshi), de façon droite (sugu) avec un retour (kaeri) moyennement arrondi (ko-maru).
L’élégante monture (koshirae) qui accompagne cette lame est très bien réalisée, et remonte à la fin de l’époque Edo. De type uchigatana, elle se compose d’un fourreau côtelé (izami-zaya), laqué d’un profond noir brillant. Le collier (habaki) est de base cuivrée avec un feuilletage argenté, sa finition évoque un sol rocheux appelé « ganseki ». La garde (tsuba) conçue à partir d’alliages de métaux doux patinés, est de style kyo-kinkō, ses motifs représentent un phénix et un dragon bondissant d’un nuage du côté omote, et des vignes fleuries en incrustation colorée (iroe-zōgan) coté ura. Enfin, la paire virole/pommeau (fushigashira) est en alliage cuivre/or (shakudō), travaillée en technique de surfaçage finement granulée (nanako). Ses motifs représentent des calebasses, souvent utilisées autrefois comme gourde à sake, ainsi que des poissons-chats.
Artiste et école
Bien peu de provinces ont su enflammer l’histoire du Japon durant plus de 10 siècles de forge que ne l’a été celle de Bizen. De ce berceau originel, grandit bien nombre d’artistes dont les noms sont devenus légendaires aujourd’hui. L’aboutissement de cette chronologie si particulière nous a été directement transmise avec ce katana, dont le créateur fut l’un des derniers gardiens de ce savoir-faire millénaire.
En effet, Suketaka est un forgeron issu de la célèbre école Yokoyama de Bizen. L’origine de celle-ci remonte à la période shintō, un moment où la grande tradition de Bizen était presque éteinte. Il fallut attendre le début du XIXe siècle, sous l’impulsion d’un forgeron nommé Sukehira (1804-1818), dont l’ascendance remonte à la 5ème génération Sukesada, pour voir renaître cette grande école.
Sa succession se fit principalement à travers son fils le plus talentueux, le Shodai Sukenaga, qui déclara être le descendant à la 56ème génération du légendaire Tomonori, fondateur de l’école Ko-bizen (950-1181), la plus ancienne tradition de Bizen. Son enseignement permit l’émergence d’artistes de renom, notamment Sukekane, qui forma à son tour de nombreux disciples tels que Suketaka, mort en 1898, ainsi que Miyamoto Kanenori, élevé au rang de trésor national vivant par l’empereur Meiji lui-même en 1907.
Partie généalogique de l’école Yokoyama au XIXe siècle
Avis de Kojiki Gallery
Au regard de son excellent état, grâce à un polissage récent de qualité, cette œuvre demeure d’un grand raffinement, et peut être considérée comme un archétype parfait du Bizen-den à la période shinshintō. Dans la mesure où l’on peut retrouver en elle toutes les caractéristiques définissant l’école Yokoyama, elle pourra trouver une place de choix dans une collection de Bizen-tō (lames forgées en Bizen) ou être un excellent sujet d’étude pour approfondir ses connaissances en la matière.
De plus, il est également intéressant de souligner que ce sabre fut forgé pendant une période trouble du Japon à la seconde moitié du XIXe siècle, un an après la guerre civile de Boshin (1868-1869). Il figure donc parmi les derniers exemplaires traditionnels conçus avant la fin du règne des derniers samurai, et l’interdiction du port du sabre en 1876.